Les populations déplacées à l'aune de la construction d'hospitalité : études de cas

Et si lors des déplacements forcés de population, il fallait attendre à moyen terme pour voir apparaître une hospitalité effective? Une hospitalité qui reste inaperçue lorsqu’on regarde uniquement les interventions d’urgence, les premières réactions et les politiques officielles. Cette recherche cerne cette hospitalité étonnante et hors normes, qui se construit au fil du temps entre les déplacés et les communautés déjà là dans les endroits où les déplacés arrivent en masses. Elle part de l’hypothèse que ces acteurs sont très inventifs et autonomes, et qu’ils créent conjointement à moyen terme des solutions de cohabitation, de survie et d’échange, où s’opèrent des mixités identitaires. Ces mixités concernent les langues d’usage, les compositions familiales, les croyances et les pratiques religieuses, etc. 


La recherche de cette hospitalité construite conjointement à moyen terme, qui donne lieu à des mixités variables, est nécessaire pour éclairer les moyens existants d’arriver à un vivre ensemble plus harmonieux. Devant les déplacements forcés de population, la tendance actuelle des médias, des ONG et des politiques, est de souligner surtout les réactions immédiates soit de racisme ou de non-racisme. Cette approche étroite réduit les populations déplacées au statut de pures victimes, et réduit les communautés déjà là, dans les lieux d’arrivée, au statut d’égoïstes ou d’aidants. Pour faire face aux déplacements forcés, il faut sortir de cette vision étroite des choses.


Pour saisir l’hospitalité construite ensemble à moyen terme par les déplacés forcés et leurs hôtes, nous nous tournons vers l’étude approfondie des imaginaires collectifs et vers l’expérience d’enquête du Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine (GRIPAL), fondé en 2000. En empruntant une approche multidisciplinaire unique combinant sociologie, anthropologie, géographie et science politique, nous rencontrons les gens sur le terrain, et nous enregistrons le son d’entrevues de longue durée réalisées auprès des déplacés et des populations déjà installées dans les endroits où les déplacés arrivent. Dans ces entrevues, nous leur demandons de parler de leur déplacement, de leur maison, de l’espace et du temps qui les lient ou les séparent des autres, ainsi que des mixités qui sont nées où peuvent naître à leur avis. Ces entrevues enregistrées sont ensuite transcrites et constituent un matériel d’enquête socioculturelle et politique riche. Analysé par des outils de la linguistique, ce matériel permet de dégager les axes autour desquels les communautés se transforment, dans un jeu complexe de fermeture et d’ouverture des identités. Il permet de saisir la construction conjointe d’hospitalité, ses potentialités et ses limites.


Nous privilégions l’étude de trois cas de déplacements forcés en Amérique latine : le premier en République dominicaine, le deuxième au Brésil et le troisième en Colombie. Ces trois cas sont convergents, dans la mesure où ils impliquent massivement des populations afro-descendantes en Amérique. Nous évaluerons au terme de la recherche comment ces trois cas de déplacement et d’hospitalité éclairent d’autres réalités de déplacement, notamment de populations afro-descendantes au Canada. En mettant l’accent sur la créativité et l’inventivité à moyen terme des déplacés et des hôtes, l’impact de cette recherche est d’ouvrir les mentalités, en montrant des mixités concrètes qui sortent du cercle vicieux opposant le racisme au non-racisme.


Chercheur principal: André Corten (science politique, UQAM).


Co-chercheurs: Leila Celis (sociologie, UQAM); Myriame Martineau (sociologie, UQAM); Louis Jacob (sociologie, UQAM) et Martin Hébert (anthropologie, Université Laval).

Cochercheurs

  • Celis, Leila
  • Hébert, Martin

Financement

Savoir

CRSH

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